Michael Sabia est loin de faire l’unanimité comme PDG d’Hydro-Québec
Olivier Bourque | ICI - Radio-Canada« Il y a une chose qu’il a toujours faite, c’est s’approprier des biens publics pour des intérêts particuliers. Est-ce que c’est le plan pour Hydro-Québec? », demande notamment le professeur Pierre-Olivier Pineau.
Si l’arrivée de Michael Sabia à la tête d’Hydro-Québec est bien vue par le milieu des affaires, la réaction est beaucoup plus froide chez les spécialistes du secteur de l’énergie, qui s’interrogent sur le choix du gouvernement. À l’interne, au sein de la société d’État, plusieurs croient d’ailleurs qu’il n’est pas l’homme de la situation.
Depuis hier, j’ai reçu textos et appels de plusieurs employés et cadres. Et tous sont unanimes : ce n’est clairement pas la bonne personne, les enjeux sont tellement importants. Ça aurait pris quelqu’un qui connaît bien notre secteur, a souligné une source interne d’Hydro-Québec.
Certains se rappellent le passage assez douloureux d’Éric Martel de Bombardier comme PDG de la société d’État, entre 2015 et 2020.
Il a fait mal à nos décisions. Il ne comprenait pas la mécanique, par exemple, ce que cela représente de brancher un parc éolien. Donc, je dois dire qu’on est inquiets, a poursuivi cette source.
Quelqu’un de l’interne, ça aurait été mieux. On peut dire qu’il y a de la grogne, a renchéri une autre source interne.
Pourquoi lui?
Le son de cloche est le même pour tous les spécialistes du secteur de l’énergie que nous avons consultés. On ne comprend tout simplement pas le choix du gouvernement du Québec.
Pourquoi lui? Il a des compétences en finance, mais ça ne répond pas à des besoins chez Hydro-Québec, qui est probablement l’entreprise au Québec qui a le moins de difficulté à lever du capital, a ironisé Pierre-Olivier Pineau, professeur à HEC Montréal et titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie.
« Ça m’inquiète beaucoup, c’est un financier, un développeur, mais sera-t-il capable de décarboner le Québec? C’est la grande question. » — Une citation de Jean-Pierre Finet, analyste au Regroupement des organismes environnementaux en énergie
L’analyste Jean-Pierre Finet ne croit pas que M. Sabia possède la fine connaissance qui lui permettra de tenir tête au superministre de l’Économie et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, qui veut ajouter de la puissance pour attirer des entreprises au Québec.
Est-ce qu’il va essayer de ménager la chèvre et le chou et rester sans rien faire face au ministre de l’Énergie, qui octroie des blocs de puissance? Car, disons-le, M. Fitzgibbon vend des peaux d’ours en ce moment, croit M. Finet, qui œuvre au Regroupement des organismes environnementaux en énergie.
Il s’apprête à octroyer des blocs à l’industrie que nous n’avons pas et qu’on doit aller chercher. Et en plus, le gouvernement est en retard sur sa cible, poursuit-il.
Ce n’est pas d’un financier qu’Hydro a besoin mais quelqu’un qui connaît les technologies et l’innovation, car on est en transformation massive dans ce domaine et ça prend quelqu’un qui doit livrer, ajoute Normand Mousseau, directeur scientifique de l’Institut de l’énergie Trottier à Polytechnique Montréal.
Lors des dernières années, M. Mousseau estime qu’Hydro-Québec a été pris de court et a mal évalué la demande en énergie.
« Il faut être capable de livrer dans un contexte de transformation énergétique, il faut voir venir les coups et amener le Québec vers la transition. Les consommateurs veulent s’électrifier, veulent se décarboner, mais Hydro n’est pas capable de livrer la marchandise. » — Une citation de Normand Mousseau, directeur scientifique de l’Institut de l’énergie Trottier à Polytechnique Montréal
Toutetois, selon l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques (IGOPP), M. Sabia a prouvé plusieurs fois qu’il pouvait piloter des dossiers d’importance au cours de sa carrière.
Le PDG n’a pas nécessairement besoin d’avoir toutes les expertises qui sont possibles et imaginables pour ce poste-là. Pour amener une transition énergétique, ça prend une personne qui a été en mesure de mener des dossiers d’importance. Et c’est assez clair que M. Sabia a cette capacité-là, a souligné Patric Besner, vice-président à l’IGOPP.
Selon lui, les équipes en place ont l’expertise nécessaire et pourront le guider dans sa mission. Toute personne qui sait qu’elle n’a pas toutes les notions a simplement à bien s’entourer pour prendre les bonnes décisions.
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