26 novembre 2018

Les méthodes hors normes de la Caisse

Francis Vailles | La Presse

Les employés de la Caisse de dépôt et placement sont-ils surpayés? Cette question, je me la pose depuis le printemps dernier, après avoir constaté que la rémunération y a explosé ces dernières années. Même que des concurrents s’en plaignent, après avoir perdu des employés clés au profit de la Caisse.

Or, en fouillant, j’ai fait des découvertes fort intéressantes. D’abord, la rémunération des employés à la Caisse n’est pas sans limites, ai-je appris, elle est plafonnée par un règlement décrété par le gouvernement du Québec.

Surtout, ce plafond est pratiquement atteint pour certains employés administratifs, compte tenu du boom de la rémunération. En particulier, deux cadres supérieures, Maarika Paul et Kim Thomassin, sont presque rendues à la limite, fixée au 75e centile du marché de référence dans leur cas.

En 2017, Maarika Paul, cheffe de la direction financière, a ainsi obtenu 1,33 million, alors que le plafond réglementaire est estimé à 1,4 million. Quant à Kim Thomassin, cheffe des affaires juridiques, elle a touché 1,27 million, soit un peu moins que sa limite de 1,34 million.

Dit autrement, ces employées ne pourront toucher bien davantage au cours des prochaines années, sous peine d’entrer en infraction avec le règlement, même si l’excellence de leur travail leur donnait droit à une prime plus généreuse.

D’autres employés administratifs, non liés à l’investissement, ont aussi atteint le plafond de 75e centile du marché, selon mes recherches(1).

Différent… du marché

Ce constat, je n’ai pu le faire en lisant simplement le rapport annuel. En effet, la méthode qui y est utilisée s’écarte significativement des normes usuelles, ce qui a pour effet de sous-estimer la rémunération des cadres supérieurs lorsqu’on la compare avec le marché.

Pour comprendre, il faut savoir qu’une grande partie des primes attribuées à la Caisse est payée trois ans plus tard. Ainsi, la somme qui est présentée pour 2017 est en réalité le reflet des primes attribuées en 2014, qui étaient alors bien plus basses.

Cette présentation s’écarte de la méthode habituelle du marché, notent les experts Yvan Allaire, de l’Institut pour la gouvernance (IGOPP), et Michel Magnan, de l’Université Concordia. Les entreprises en Bourse – auxquelles la Caisse se compare – inscrivent normalement les primes à long terme dans l’année où elles sont attribuées.

Cette pratique vaut «même si la somme n’est pas encaissable avant quelques années», dit Yvan Allaire.

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