30 août 2022

Azure Power Global: Nouveau revers pour la Caisse

Richard Dufour | La Presse

En quelques mois, le placement de la CDPQ dans un producteur d’énergie solaire dont elle est actionnaire majoritaire a fondu de plusieurs centaines de millions

Après la saga Celsius, un autre investissement de la Caisse de dépôt et placement du Québec se trouve en difficulté. Cette fois-ci, c’est un important placement boursier de la Caisse qui est touché.

L’action d’Azure Power Global a perdu 44 % de sa valeur lundi à la Bourse de New York après le départ surprise du PDG qui n’était en poste que depuis deux mois. Le PDG démissionnaire du producteur indien d’énergie renouvelable a attribué son départ à des « circonstances imprévues » et à des causes indépendantes de sa volonté.

Azure a également annoncé lundi avoir reçu en mai une plainte d’un lanceur d’alerte entourant de potentielles irrégularités et inconduites de la part de certains employés.

Dans le cadre de l’examen de ces allégations, Azure dit avoir découvert des entorses aux normes de sécurité et de qualité, et avoir implanté des mécanismes pour remédier à la situation et renforcer ses protocoles.

Azure dit aussi avoir découvert des preuves de manipulation de données et d’informations par des employés.

La Caisse est actionnaire majoritaire d’Azure Power Global après avoir bonifié son investissement dans l’entreprise cette année en ajoutant 10 millions d’actions au premier trimestre. Elle portait ainsi sa part à 53 %.

La valeur de la participation de la Caisse dans Azure s’élevait à approximativement 1 milliard de dollars canadiens plus tôt cette année. Le repli du titre dans les derniers mois et la chute abrupte enregistrée lundi ramènent la valeur de la participation de la Caisse à moins de 300 millions CAN.

Un retard dans la publication de documents financiers a amené la semaine dernière l’agence Moody’s à placer Azure en observation en vue d’une révision à la baisse.

Azure Power Global avait évoqué, il y a quelques semaines, une révision de son dispositif de contrôle interne et de conformité pour justifier un délai dans la publication de ses états financiers. L’entreprise a fait savoir lundi qu’elle est toujours incapable d’indiquer quand elle pourra les publier.

Moody’s soutient que son examen tiendra compte du progrès et des conclusions de la procédure de révision menée par Azure, mais aussi de l’impact de toute réévaluation de mesures financières. Moody’s précise que l’engagement de la Caisse jouera aussi un rôle dans son évaluation en raison de la participation détenue par l’investisseur institutionnel québécois. L’agence dit s’attendre à ce que la Caisse appuie Azure en cas de besoin en conformité avec la hauteur de sa participation.

Le Régime de retraite des employés municipaux de l’Ontario (OMERS) est le deuxième actionnaire d’Azure, après la Caisse. Ensemble, les deux entités détiennent près de 75 % des actions de l’entreprise. Elles ont chacune un représentant au conseil d’administration.

La porte-parole de la Caisse, Kate Monfette, affirme que l’organisation a une conviction « forte à long terme » dans le secteur de l’énergie renouvelable, qui « joue un rôle essentiel par rapport au défi climatique ».

« En tant qu’actionnaire, nous nous attendons à ce que nos compagnies en portefeuille maintiennent les plus hauts standards en matière de gouvernance et de conformité et à ce qu’elles traitent rapidement et efficacement toute question ou tout enjeu pouvant survenir à ce sujet », ajoute-t-elle simplement.

« Ayant un siège au conseil, la Caisse est au courant qu’il y a des problèmes depuis plus d’un an », commente François Dauphin, PDG de l’Institut sur la gouvernance.

Pas le premier avertissement

Car ce n’est pas la première fois que le comité d’audit d’Azure reçoit des avertissements.

« Le rapport annuel d’Azure de 2021 montre qu’il y a aussi eu des signalements de lanceurs d’alerte l’année dernière, mais il semble que ces avertissements n’étaient pas fondés », dit François Dauphin.

Cet expert constate que plusieurs changements sur le plan de la gouvernance ont été apportés dans les derniers mois. Outre des changements chez les administrateurs, la politique des lanceurs d’alerte a été modifiée le printemps dernier, note François Dauphin.

Ça signifie qu’un travail de fond semble avoir été fait au niveau de la gouvernance et de la gestion de risques. C’est un travail qui a dû être amorcé il y a plus d’un an. (François Dauphin)

OMERS indique à La Presse ne pas avoir de déclaration à faire et nous dirige vers les communiqués publiés par Azure.

Azure est le type d’investissement qui cadre dans les objectifs de la stratégie climatique de la Caisse, notamment de détenir 54 milliards de dollars en actifs verts d’ici 2025 pour contribuer activement à une économie plus durable.

Lorsque la Caisse est devenue actionnaire majoritaire d’Azure il y a deux ans, l’entreprise indienne avait affirmé qu’en ayant un actionnaire majoritaire avec une approche à long terme et une cote de crédit AAA, elle aurait un meilleur accès à des capitaux externes pour favoriser encore davantage sa croissance future.

Après avoir commencé l’année à 18 $ US à New York, l’action d’Azure a clôturé à 5,85 $ US lundi. Le titre avait dépassé la barre des 50 $ US en janvier l’an passé.

Fondée il y a 14 ans, Azure Power Global a fait le saut à la Bourse de New York en 2016. L’entreprise développe notamment une plateforme d’énergie solaire en Inde.

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