13 février 2020

Agropur se fera plus discrète

André Dubuc et Nathaëlle Morissette | La Presse

La coopérative laitière ne rendra public qu’une fois l’an l’état de ses finances au lieu de quatre fois comme auparavant.

L’information a été transmise aux quelque 700 membres réunis en assemblée annuelle mercredi. La fin des rapports trimestriels n’a pas été évoquée dans le communiqué de presse d’Agropur ni lors de la conférence de presse de mercredi.

La coopérative a refusé de justifier sa décision, malgré les questions répétées de La Presse.

Depuis des lustres, Agropur divulgue une page d’informations financières tous les trimestres, en plus de publier un rapport annuel la journée de l’assemblée générale annuelle (AGA). Une conférence de presse est traditionnellement convoquée à l’heure du midi lors de la journée de l’AGA.

Agropur est un géant du lait avec des revenus de 7,3 milliards, 3024 membres, 38 usines et 8800 employés au Canada et aux États-Unis.

La décision laisse songeur un spécialiste du modèle coopératif.

La transparence étant une valeur importante du modèle coopératif, je serais curieux d’entendre les raisons qu’ils invoquent pour justifier une telle position.

Michel Séguin, professeur au département d’organisation et ressources humaines et titulaire de la Chaire de coopération Guy-Bernier à l’Université du Québec à Montréal

Maurice Doyon, professeur au département d’économie agroalimentaire et des sciences de la consommation de l’Université Laval, ne se formalise pas trop de ce pas de recul. « Si le rapport annuel d’Agropur demeure public, c’est un moindre mal. Je demeure curieux à savoir pourquoi », se demande-t-il toutefois.

M. Doyon souligne que Parmalat, numéro 3 au Canada, ne divulgue pas grand-chose sur ses activités canadiennes. L’autre grand acteur, Saputo, doit publier toutes sortes d’informations financières, étant une société boursière.

Le spécialiste de la gouvernance Michel Nadeau ne s’en émeut guère. « Les entreprises en Bourse devraient se contenter de publier des résultats deux fois l’an comme en Europe, suggère-t-il. Pour Agropur, ce qui est important , c’est d’avoir des résultats annuels. »

Toujours payante, la transparence

Légalement, Agropur n’est pas tenue de divulguer ses chiffres, explique Michel Magnan, professeur et titulaire de la Chaire de gouvernance d’entreprise S.A. Jarislowsky. « Coopérative propriété de ses membres, lesquels sont des agriculteurs, elle n’émet pas de titres dans le public et ses titres ne sont pas transigés sur un marché. Par conséquent, étant donné que le public en général ne peut investir dans Agropur, le C.A. de l’entreprise est probablement dans ses droits de ne pas diffuser les états financiers sur une base trimestrielle. »

Toutefois, la transparence est toujours payante pour une organisation, enchaîne l’universitaire. « Pour les membres et pour le conseil, la diffusion des états financiers leur donne accès à des avis, opinions, commentaires qui peuvent leur permettre d’enrichir leur suivi des affaires de la coopérative et d’améliorer la gouvernance, dit M. Magnan. Les médias et analystes peuvent parfois commenter des points que l’on trouve embêtants, mais en même temps, cela rend les administrateurs plus alertes et aussi mieux informés. »

Ailleurs, La Coop fédérée divulgue ses résultats une fois l’an. Pour ce qui est de Desjardins, il s’agit d’une obligation réglementaire de publier des rapports financiers trimestriels, explique la porte-parole Chantal Corbeil. « Il est, toutefois, dans les valeurs de Desjardins d’être transparent », dit-elle.

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